Le nombre des détenus bat record sur record dans les prisons françaises
Un nouveau record du nombre des détenus a été établi en juillet, dans un contexte de surpopulation et d'absence de grâces, plaçant le gouvernement au pied du mur avant la présentation en Conseil des ministres du projet de loi pénitentiaire, déjà très critiqué par les syndicats.
Pour le deuxième mois consécutif, le nombre des personnes incarcérées dans les quelque 200 prisons françaises a dépassé en juillet le pic historique des 63.652 détenus atteint en juillet 2004.
Il y avait au 1er juillet 64.250 détenus, en hausse de 0,6% par rapport à juin (63.838).
Selon le chercheur au CNRS Pierre Tournier, il faut remonter aux années 1880 pour trouver un taux de détention équivalent (107 détenus pour 100.000 habitants), hormis les lendemains immédiats de la Seconde Guerre mondiale.
Cette tendance à la hausse devrait être régulière, selon ce spécialiste qui estime que la loi sur les peines plancher, votée en août 2007, devrait envoyer en prison environ 3.000 personnes de plus chaque année.
"Ce qui est sûr c'est que les dernières lois toujours plus répressives vont faire rentrer beaucoup plus de monde en détention", renchérit Céline Verzeletti, secrétaire générale de la CGT-pénitentiaire.
Jusqu'à présent, les grâces collectives du 14 juillet permettaient de désemplir les prisons, comme en 2006 où 3.700 détenus avaient retrouvé la liberté entre juillet et septembre.
Mais depuis son élection en 2007, Nicolas Sarkozy a décidé de ne plus user de ce droit présidentiel, "quasi-monarchique" selon lui.
Dans ce contexte, le nombre des places en cellule est nettement insuffisant (50.806 au 1er juillet), ce qui situe le taux français de surpopulation à plus de 126%, largement au-dessus de la moyenne des Etats membres du Conseil de l'Europe (102%).
Six prisons sur dix sont surpeuplées. Les plus touchées sont les maisons d'arrêt qui renferment les personnes en attente de jugement et les courtes peines. Il est fréquent d'y trouver deux détenus pour une place.
La première organisation des surveillants, l'Ufap, estime à 1.700 le nombre des prisonniers contraints de coucher sur des matelas à même le sol.
Pour Pierre Tournier, "la situation potentiellement explosive". "Il en va de la sécurité des détenus et des personnels", insiste de son côté le numéro un de FO-pénitentiaire, Christophe Marquès, qui somme le gouvernement d'agir.
Un programme de construction de prison lancé en 2002 prévoit 13.200 places supplémentaires d'ici 2012, dont 3.000 dès la fin de cette année, a promis mardi la garde des Sceaux, Rachida Dati.
La ministre compte surtout sur son projet de loi pénitentiaire, annoncé comme "fondateur" et qui vise à désengorger les prisons en développant les bracelets électroniques et l'assignation à résidence des personnes en détention provisoire et des courtes peines.
Mais "il n'y a pas aujourd'hui les moyens, en personnel notamment, de rendre ces mesures effectives rapidement", affirme Céline Verzeletti.
Soumis à l'avis du Conseil d'Etat, le texte devrait retourner à la Chancellerie en fin de semaine avant une présentation au Conseil des ministres du 28 juillet.
De sources concordantes, l'avis confidentiel du Conseil d'Etat émettrait quelques réserves en considérant que plusieurs dispositions prévues relèvent du simple décret et non de la loi.
"Cela confirme que ce projet n'est qu'un simple toilettage pas à la hauteur de l'enjeu", selon le dirigeant de l'Ufap, Jean-François Forget.